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ganisent de puissantes « Hanses » de marchands, et la marchandise peut circuler dès lors dans les pays féodaux avec une sécurité et une commodité toujours plus grandes.

L’économie naturelle reçoit son coup définitif. Les seigneurs féodaux ne se contentent plus des produits de leurs serfs ; leurs goûts et leurs besoins dépassent de beaucoup la grossière production des paysans. Le paysan lui-même préfère acquérir au marché les produits des villes, jolis et solides, qu’en produire lui-même, d’autant plus que la communication facilitée et le mouvement du commerce plus grand en rendent possible l’acquisition à toutes les communes. La production des campagnes se spécialise et devient exclusivement agricole. Les villes ont renoncé à l’agriculture depuis que l’affluence de la population les a privées des terres communales. Par cela, l’indépendance économique des communes disparaît complètement. Le paysan et le bourgeois cessent de se suffire chacun à lui-même, deviennent producteurs partiels et sont obligés d’échanger sur le marché une grande partie de leurs produits. L’échange et l’argent entrent donc dans la catégorie des nécessités sociales, et, des objets de luxe s’étendent à tous les produits. Cet évènement fait époque. Faisant sortir la société des enclos, l’introduisant sur un large marché, il transforme de fond en comble les rapports des classes, les intérêts et les mœurs, le caractère de la production et de l’exploitation. Il clôt la série des sociétés antiques basées sur l’économie naturelle (les communes primitives, les οΊχοι esclavagistes, les tenures féodales), et ouvre la série des sociétés modernes, — avec l’économie monétaire (le féodalisme corvéable, le capitalisme de servage et le capitalisme libéral). Avant lui, le producteur est une unité indépendante et isolée, la production, une satisfaction immédiate de ses besoins, le produit, un objet inéchangeable d’utilité, et la société, une agglomération lâche d’unités économiques homogènes, reliées entre elles par un ciment purement idéologique. Après lui, le producteur devient une partie composante d’un grand organisme ; incapable de subsister isolément le produit acquiert la nature traîtresse de valeur d’échange, et la société, se différenciant dans ses éléments composants, se transforme en un tout organique. C’est ici que commence la nouvelle série des transformations.

Du moment que la commune rurale cesse toute production industrielle, et que le seigneur satisfait sur le marché de la ville la plus grande partie de ses besoins, la plus-value féodale prend la forme argent. Le seigneur, dédaignant les grossiers produits de ses tenanciers,