Page:About - Voyage à travers l'exposition des Beaux-Arts, 1855.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
VOYAGE À TRAVERS L’EXPOSITION

Paris, que l’art n’a pas de plus mortels ennemis que l’industrie et le commerce. Tout sculpteur qui se croise les bras en attendant une commande ; tout peintre qui abuse de l’étalage de son marchand de couleurs pour exposer tous les ans deux ou trois tableaux invendables ; tous ceux qui courent après la gloire sans l’atteindre, parce qu’elle a des ailes et qu’ils n’ont pas même des jambes, déclarent unanimement que c’est la faute du commerce, que c’est la faute de l’industrie. Au lieu de s’en prendre de leur peu de succès à leur peu de talent, ils aiment mieux jeter des invectives aux boutiques de leur rue, à l’usine la plus prochaine, au chemin de fer qui les mène à la campagne, et à l’esprit positif de leurs contemporains. Le xixe siècle, au dire de ces messieurs, est un siècle bourgeois : ils lui appliqueraient une épithète plus injurieuse, s’ils en connaissaient une.

Il serait facile de réfuter ce préjugé par l’histoire des républiques commerçantes de la Grèce, de l’Italie et des Pays-Bas. L’art n’a jamais eu de protecteurs plus magnifiques que les riches marchands d’Athènes, de Venise et d’Anvers. Mais, sans aller chercher des exemples qui sont un peu loin de nous, je me contenterai d’en citer un qui est sous tous les yeux et dans toutes les mains : le livret de l’exposition anglaise.

Nos très-industrieux voisins, nos très-commerçants alliés, nos amis très-positifs, ont une manière assez originale d’encourager les artistes : ils achètent leurs ouvrages. À part quelques rares exceptions, tous les tableaux, toutes les sculptures, tous les dessins que l’Angleterre a exposés à Paris appartiennent à des