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boutiques où l’on vend des marchandises d’occasion. Il y a des souliers de tout cuir et de tout âge dans ces trésors de la chaussure ; on y trouverait des cothurnes de l’an 500 de la république, en cherchant bien. Je viens de voir un pauvre diable qui essayait une paire de bottes à revers. Elles vont à ses jambes comme une plume à l’oreille d’un porc, et c’est plaisir de voir la grimace qu’il fait chaque fois qu’il pose le pied à terre. Mais le marchand le fortifie par de bonnes paroles : « Ne crains rien, lui dit-il ; tu souffriras pendant cinq ou six jours, et puis tu n’y penseras plus. » Un autre marchand débite des clous à la livre : le chaland les enfonce lui-même dans ses semelles ; il y a des bancs ad hoc. Le long des murs, cinq ou six chaises de paille servent de boutique à autant de barbiers en plein vent. Il en coûte un sou pour abattre une barbe de huit jours. Le patient, barbouillé de savon, regarde le ciel d’un œil résigné ; le barbier lui tire le nez, lui met les doigts dans la bouche, s’interrompt pour aiguiser le rasoir sur un cuir attaché au dossier de la chaise, ou pour écorner une galette noire qui pend au mur. Cependant l’opération est faite en un tour de main ; le rasé se lève et sa place est prise. Il pourrait aller se laver à la fontaine, mais il trouve plus simple de s’essuyer du revers de sa manche.

Les écrivains publics alternent avec les barbiers. On leur apporte les lettres qu’on a reçues ; ils les lisent et font la réponse : total, trois sous. Dès qu’un paysan s’approche de la table pour dicter quelque chose, cinq ou six curieux se réunissent officieusement autour de lui pour mieux entendre. Il y a une certaine bonhomie dans cette indiscrétion. Chacun place son mot, chacun donne un conseil : « Tu devrais dire ceci. — Non ; dis plutôt cela. —