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sonnellement incommodés. Ils ne craignent pas de planter leur couteau dans l’uniforme d’un conquérant, mais je réponds qu’ils ne célébreront jamais de Vêpres siciliennes.

Ils se piquent de descendre en droite ligne des Romains de la grande Rome, et cette prétention innocente me paraît assez bien fondée. En effet, ils sont gros mangeurs de pain et très-friands de spectacles ; ils traitent leurs femmes comme des femelles, ne leur laissent pas la disposition d’un centime et font la dépense eux-mêmes : chacun d’eux est client du client d’un patricien. Ils sont bien bâtis, robustes, et capables de donner un coup de collier qui étonnerait les buffles ; mais il n’y en a pas un qui ne cherche le moyen de vivre sans travailler. Ouvriers excellents lorsqu’ils n’ont pas le sou, impossibles à saisir dès qu’ils ont un écu dans leur poche ; bonnes gens, familiers et simples de cœur, mais convaincus de leur supériorité sur le reste des hommes ; économes au dernier point et rongeurs de pois chiches, jusqu’à ce qu’ils rencontrent une occasion éclatante de dévorer leurs économies en un jour, ils glanent, sou par sou, dix écus dans leur année pour louer la loge d’un prince au carnaval ou pour se montrer en carrosse à la fête de l’Amour Divin : c’est ainsi que la populace de Rome oubliait le passé et l’avenir dans les Saturnales. L’imprévoyance héréditaire dont ils sont possédés s’explique par l’irrégularité de leurs ressources, la périodicité des chômages, et l’impossibilité de parvenir sans miracle à une condition supérieure. Il leur manque plusieurs vertus, et entre autres la délicatesse : celle-là n’était point dans l’héritage de leurs ancêtres. Ce qui ne leur manque pas, c’est la tenue et le respect d’eux-