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âne. Le père jette un regard de satisfaction sur son héritier, et dit en se frottant les mains : Il a du goût pour le dessin ; nous le mettrons artiste.

Car enfin, il reste bien peu de chose à faire du moment où le petit sait dessiner un trait. L’année prochaine, il apprendra à faire des hachures et à noircir agréablement l’espace enfermé dans ce contour. Un an plus tard sa tante lui fera présent d’une boîte d’aquarelle, et il peindra en gris-perle le pauvre animal qui n’en peut mais. Enfin, on le retirera du collège au moment où il pourrait y apprendre quelque chose, et on le conduira dans un atelier pour faire de l’huile.

Menez-le chez M. Ingres, ou chez M. Delacroix, ou chez un des vingt artistes français qui savent dessiner. Le premier soin du maître sera de lui faire désapprendre son âne. Ensuite on emploiera la dixième partie d’un siècle à lui inculquer la vraie théorie du dessin.

Un homme vient à nous sur une grande route. Dès l’instant où il apparaît, fût-il à deux cents pas, nous saisissons l’aspect général et les lignes principales de son corps. C’est un promeneur indolent qui s’avance à petits pas, les bras ballants, ou un coureur emporté comme une feuille au vent du nord, ou un portefaix écrasé sous son fardeau comme Atlas sous le poids du monde. Laissez-le venir plus près, et regardez toujours. Son corps est