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ses progrès comme d’une concession qu’il nous aurait faite. On rencontre aussi de nouvelles connaissances qu’on épouse sans hésiter, à la vie, à la mort. En présence de certains tableaux, on se rejette en arrière, comme si l’on avait mis la main dans l’encre ; on revient à certains autres pour déguster le dessin, pour savourer le coloris, avec une volupté douce et friande.

Enfin, après quelques jours de cet exercice mêlé de plaisirs et de peines, on rentre au logis, on s’assied, on ferme les yeux, et l’on regarde en soi-même. On a l’esprit tout échantillonné de tableaux, comme un grand mur de l’exposition. On refait pour soi la besogne du jury ; on ne garde devant les yeux que ce qui est bien, et l’on passe l’éponge sur le reste, car la critique n’est pas une croisade contre les maladroits, mais la recherche sévère du beau dans les arts. Alors seulement on peut embrasser d’un seul regard toute une époque, la comparer aux précédentes, et lui assigner son rang dans l’histoire. On peut calculer la distance qui nous sépare des grands siècles, observer le mouvement qui nous entraîne, soit en avant, soit en arrière, et classer les artistes contemporains suivant le coup d’épaule que chacun d’eux donne au progrès.

J’essayerai de dire à combien de lieues nous sommes de Raphaël et de Titien, comme les astronomes ont mesuré l’espace qui s’étend entre la terre