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AU SALON DE 1857.

Mais, si nous voulons être justes envers nous-mêmes, commençons par oublier l’Exposition universelle, et déposons au vestiaire nos souvenirs de 1855.

En ce temps-là, la France avait convoqué l’arrière-ban de ses chefs-d’œuvre pour étaler aux yeux de l’univers un demi-siècle de travail et de gloire. Le palais des Beaux-Arts ressemblait à un château où l’on a convié cérémonieusement des hôtes illustres. Nous y traitions les hauts seigneurs de l’école allemande, les gros bonnets de la Flandre et les barons élégants de la peinture anglaise. En pareille occasion, le châtelain n’épargne rien pour éblouir ses invités, au risque de les humilier un peu. On découvre les vieux lampas et les meubles héréditaires qui dormaient sous la housse ; on vide les armoires ; on étale les cristaux précieux, les services de Sèvres et les grandes pièces d’orfèvrerie. On va chercher au fond du vivier les poissons les plus énormes ; on extrait du caveau réservé les vins les plus respectables.

L’hiver est venu, les visiteurs sont partis, nous sommes chez nous et entre nous. On a étendu une housse sur la Vénus Anadyomène, et la Barque du Dante est remisée au Luxembourg. Nous dînons dans la porcelaine neuve ; nous mangeons nos truites de deux ans et nous buvons le vin de l’année. Mais n’ayez pas peur : la maison est bonne. Les plus