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LA MÈRE DE LA MARQUISE.\t385 Ces cœurs honnêtes auraient cru manquer à la pudeur en affrontant le mauvais vouloir de Mme Benoît. Gas¬ ton lui-même, après toutes les vigoureuses résolutions qu'il avait prises, n'osa ni se prévaloir de ses droits, ni faire appel aux sentiments de sa femme : il fut aussi timide que Lucile, peut-être plus. Quelle que soit la hardiesse que l'on attribue à notre sexe, il n’est pas moins vrai que les hommes bien nés sont, en amour, plus farouches que des jeunes filles. Il suffit de la pré¬ sence d’un tiers pour glacer la parole sur leurs lèvres et refouler jusqu’au fond de leur áme une passion qui débordait. Mme Benoît dressa un plan de campagne qui n’au¬ rait jamais réussi sans l’empire qu’elle avait pris sur sa fille, et surtout sans la fière timidité de Gaston. Pendant toute une semaine, elle parvint à tenir sépa¬ rés deux êtres qui s’adoraient, qui s’appartenaient, et qui dînaient ensemble tous les soirs. Ce qu’elle dé¬ pensa de turbulence pour étourdir sa fille et d'effron¬ terie pour intimider son gendre fait une somme incal¬ culable. Tous les jours elle imaginait un prétexte nouveau pour entraîner Lucile dans Paris, et laisser le marquis à la maison. Elle se cramponnait à sa fille, elle ne la quittait qu’à bon escient, lorsque Gaston était sorti. A voir son zèle et sa persévérance, vous auriez dit une de ces mères jalouses qui ne peuvent se résigner à partager leur fille avec un mari.\t.