352 LA MERE DE LA MARQUISE. n’êtes pas homme à fermer un si bon livre à la pre¬ mière page. Moi, depuis que je ne vous ai plus , je suis tout hébétée et toute languissante. Imaginez-vous que par moments je crois que je ne suis pas votre femme, et que cette belle cérémonie de l’église et ce bal ou nous étions si heureux sont un rêve qui a trop tôt fini. Ce qui n’était pas un rêve, c’est ce baiser que vous m’avez donné. J’ai reçu bien des baisers sur le front depuis que je suis née, mais aucun ne m’était entré si avant dans le cœur. C’est sans doute parce que celui-là venait de vous. Tout ce qui vous appartient a quelque chose de particulier que je ne sais comment définir : par exemple, votre voix est plus pénétrante qu’aucune autre ; personne n’a jamais su dire
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comme vous. Pourquoi n’êtes-vous pas ici, mon cher Gaston? Ce baiser que vous m’avez donné, je serais si heureuse de vous le rendre ! Cela ne serait pas mal, n’est-ce pas, puisque je suis votre femme? Vous n’imaginerez jamais combien vous me manquez. Quand je sors avec maman, je vous cherche dans les rues : tout ce que j’ai vu à Paris jusqu’à présent, c’est que vous n’y êtes pas. Le soir, j’embrouille régulièrement votre nom dans mes prières ; le matin, en m’éveillant, je regarde si vous n’êtes point autour de moi. Est-il possible que je pense tant à vous et que vous m’ayez oubliée? Peut-être m’en voulez-vous de vous avoir quitté si brusquement et sans vous dire adieu. Si vous saviez ! Ce n’est pas moi qui suis partie ; c’est maman