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dans les bras l’un de l’autre. Il s’en fallut d’assez peu que ce petit scandale ne se produisît à la première rencontre de Lucile et de Gaston. Ces jeunes êtres, qui ne s’étaient jamais vus, sentirent au même instant qu’ils étaient nés l’un pour l’autre. Dès le premier coup d’œil ils furent amants ; dès les premiers mots ils furent amis : la jeunesse attirait la jeunesse, et la beauté la beauté. Il n’y eut entre eux ni trouble ni embarras : ils se regardaient en face et se miraient l’un dans l’autre avec la charmante impudence de la naïveté : le cœur de Gaston était presque aussi neuf que celui de Lucile. Leur passion naquit sans mystère comme ces beaux soleils d’été qui se lèvent sans nuage. Je ne nie pas l’enivrement des passions coupables que le remords assaisonne et que le péril ennoblit ; mais ce qu’il y a de plus beau en ce monde, c’est un amour légitime qui s’avance paisiblement sur une route fleurie, avec l’honneur à sa droite et la sécurité à sa gauche.

Mme Benoît était trop heureuse et trop sensée pour entraver la marche d’une passion qui la servait si bien. Elle laissa aux deux amants cette douce liberté que la campagne autorise : leurs premiers jours ne furent qu’un long tête-à-tête. Lucile fit à Gaston les honneurs de la maison, du jardin et de la forêt ; ils montaient à cheval à midi, en sortant de déjeuner, et rentraient comme des enfants qui ont fait l’école buissonnière, longtemps après la cloche du dîner.