« Mon petit monsieur, il y a quarante ans que je suis marquis de Kerpry, et celui qui m’arrachera mon nom aura le poignet solide. »
Le comte pâlit de colère, mais il se souvint de la présence d’Éliane qui s’étendait, anéantie, sur une chaise longue. Il répondit d’un ton dégagé :
« Mon grand monsieur, quoique les jugements de Dieu soient passés de mode, j’accepterais volontiers le moyen de conciliation que vous m’offrez, si j’étais seul intéressé dans l’affaire. Mais je représente ici mon père, mes frères et toute une famille, qui aurait lieu de se plaindre si je jouais ses intérêts à pile ou face. Permettez-moi donc de retourner à Paris. Les tribunaux décideront lequel de nous usurpe le nom de l’autre. »
Là-dessus le comte fit une pirouette, salua profondément la prétendue marquise, et regagna sa chaise de poste avant que le capitaine eût songé à le retenir.
Le samavar ne bouillait plus ; mais ce n’était pas de thé qu’il s’agissait entre le capitaine et sa femme. Éliane voulut savoir si elle était oui ou non marquise de Kerpry. L’impétueux Benoît, qui venait d’user son reste de patience, s’oublia au point de battre la plus jolie personne du département. C’est à ces circonstances que Mme Benoît faisait allusion lorsqu’elle parlait de quelques heures désagréables, oubliées depuis longtemps.
Le procès Kerpry contre Kerpry ne se fit pas atten-