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sement. Portée à l’admiration, comme presque toutes les jeunes filles, elle avait admiré les objets qui l’entouraient : hôtels, chevaux, toilettes et livrées. À douze ans, un grand nom exerçait une sorte de fascination sur son oreille ; à quinze, elle se sentit prise d’un profond respect pour ce qu’on appelle le faubourg Saint-Germain, c’est-à-dire pour cette aristocratie incomparable qui se sait supérieure à tout le genre humain par droit de naissance. Lorsqu’elle fut en âge de se marier, la première idée qui lui vint, c’est qu’un coup de fortune pouvait la faire entrer dans ces hôtels dont elle contemplait la porte cochère, l’asseoir à côté de ces grandes dames radieuses qu’elle n’osait regarder en face, la mêler à ces conversations qu’elle croyait plus spirituelles que les plus beaux livres et plus intéressantes que les meilleurs romans. « Après tout, pensait-elle, il ne faut pas un grand miracle pour abaisser devant moi la barrière infranchissable. Il suffit que ma figure ou ma dot fasse la conquête d’un comte, d’un duc ou d’un marquis. » Son ambition visait surtout au marquisat, et pour cause. Il y a des ducs et des comtes de création récente, et qui ne sont pas reçus au faubourg ; tandis que tous les marquis sans exception sont de la vieille roche, car depuis Molière on n’en fait plus.

Je suppose que si elle avait été livrée à elle-même, elle aurait trouvé sans lanterne l’homme qu’elle souhaitait pour mari. Mais elle vivait, sous l’aile de sa mère,