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GORGEON.\t277 Elle voyait devant elle un gouffre plein de feu, et elle se cramponnait à la balustrade pour n’y point tomber. Gorgeon s’était cuirassé de courage et d’indiffé¬ rence. 11 avait caché sa pâleur sous une couche épaisse de rouge, mais il avait oublié de peindre ses lèvres : elles devinrent livides. Il fut assez maître de îui pour conserver la mémoire, et il joua son rôle jusqu’au bout. La soirée fut orageuse. Le public du théâtre Michel se compose de deux éléments bien dis¬ tincts : la haute société russe, qui entend le français, et la colonie française. Il y a plus de six mille Fran¬ çais à Pétersbourg, et tous, quels qu’ils soient, pré¬ cepteurs, marchands, coiffeurs ou cuisiniers, raffo¬ lent du théâtre. Les Russes avaient admiré le coup d’Etat de Vasilikof, et ceux-là même qui avaient applaudi sa caricature deux mois auparavant s’étaient retournés de son côté, i.es Français idolâtraient Gor¬ geon. Ils le couvrirent d’applaudissements. Les Russes ripostèrent par des applaudissements ironiques, bat¬ tant des mains atout propos et hors de propos. Après la chute du rideau, ils le rappelèrent si obstinément qu’il fut forcé de revenir. Pauline était plus morte que vive. ri Le lendemain, on donnait le Misanthrope et vergnat. Gorgeon fut vraiment admirable dans le rôle de Màchavoine. Brasseur n’a jamais mieux joué. Les Français avaient apporté des couronnes. Les Russes