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14 LES JUMEAUX DE L’HÔTEL CORNEILLE. sa baguette, et qu'il devenait un autre homme. Cette transformation était la préface indispensable de tous ses romans d’amour. Dans la vie réelle, il passait au¬ près des femmes sans lever les yeux : il craignait que sa vue ne leur fût désagréable. Le jour où il devint le bienfaiteur inconnu d’une belle jeune fille, il sentit au fond du cœur un contentement humble et tendre. Il so comparait au héros de la Belle cl la Bête qui cache son visage et ne laisse voir que son âme, ou à ce Paria de la Chaumière Indienne qui dit : « Vous pouvez manger de ces fruits, je n’y ai pas touché. » C’est un accident imprévu qui le mit en présence de Mlle Bourgade. II était chez le Petit-Gris à deman¬ der des nouvelles, lorsque Aimée entra en criant au secours : sa mère était évanouie. Il courut avec les autres. Il amena le lendemain un interne de la Pitié. Mme Bourgade n’était malade que d’épuisement; on la guérit. La femme du Petit-Gris fut installée chez elle en qualité d’infirmière. Elle allait chercher les médicaments et les aliments, et elle savait si bien marchander qu’elle les avait pour rien. Mme Bourgade but un excellent vin de Médoc qui lui coûtait soixante centimes la bouteille ; elle mangea du chocolat ferru¬ gineux à deux rancs le kilogramme. C’est Mathieu qui faisait ces mirac es et qui ne s’en vantait pas. On ne voyait en lui qu’un voisin obligeant ; on le croyait logé rue Saint-Victor. La malade s’accoutuma dou¬ cement à la présence de ce jeune professeur, qui