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ministre et le brigand, qui se connaissaient de longue date, déjeunèrent ensemble comme deux vieux amis. Au dessert, Rhalettis lui offrit amnistie pleine et entière pour lui et les siens, un brevet de général de division, le titre de sénateur et dix mille hectares de forêts en toute propriété. Le pallicare hésita quelque temps, et finit par répondre non. « J’aurais peut-être accepté il y a vingt ans, dit-il, mais aujourd’hui je suis trop vieux. Je ne peux pas, à mon âge, changer ma manière de vivre. La poussière d’Athènes ne me vaut rien ; je dormirais au sénat, et si tu me donnais des soldats à commander, je serais capable de décharger mes pistolets sur leurs uniformes, par la force de l’habitude. Retourne donc à tes affaires et laisse-moi vaquer aux miennes. »

Rhalettis ne se tint pas pour battu. Il essaya d’éclairer le brigand sur l’infamie du métier qu’il exerçait. Hadgi-Stavros se mit à rire et lui dit avec une aimable cordialité :

« Compère ! le jour où nous écrirons nos péchés, lequel de nous deux aura la liste la plus longue ?

— Songe enfin, ajouta le ministre, que tu ne saurais échapper à ta destinée : tu mourras un jour ou l’autre de mort violente.

— Allah Kerim ! répondit-il en turc. Ni toi ni moi n’avons lu dans les étoiles. Mais j’ai du moins un avantage : c’est que mes ennemis portent un uniforme et je les reconnais de loin. Tu ne peux pas en dire autant des tiens. Adieu, frère. »

Six mois après, le ministre mourut assassiné par ses ennemis politiques ; le brigand vit encore.

Notre hôte ne nous raconta pas tous les exploits de son héros : la journée n’y aurait pas suffi. Il se contenta d’énumérer les plus remarquables. Je ne