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de changer d’état. Je prenais tout sur moi ; je me chargeais de l’avenir de tous les nôtres. Sans perdre un seul moment, je cachetai la dépêche, et je la fis porter par un exprès au Pirée, à bord du Lloyd autrichien qui partait le vendredi matin, à six heures. « De cette façon, me disais-je, ils jouiront de mon bonheur presque aussitôt que moi. »

À neuf heures moins un quart, heure militaire, j’entrais au palais avec John Harris. Ni Lobster, ni M. Mérinay, ni Giacomo n’étaient invités. Mon tricorne avait un reflet imperceptiblement roussâtre, mais, à la clarté des bougies, ce petit défaut ne s’apercevait pas. Mon épée était trop courte de sept ou huit centimètres ; mais qu’importe ? le courage ne se mesure pas à la longueur de l’épée, et j’avais, sans vanité, le droit de passer pour un héros. L’habit rouge était juste, il me gênait sous les bras, et le parement des manches arrivait assez loin de mes poignets ; mais la broderie faisait bien, comme papa l’avait prophétisé.

La salle de bal, décorée avec un certain goût et splendidement éclairée, se divisait en deux camps. D’un côté étaient les fauteuils réservés aux dames, derrière le trône du roi et de la reine ; de l’autre étaient les chaises destinées au sexe laid. J’embrassai d’un coup d’œil avide l’espace occupé par les dames. Mary-Ann n’y était pas encore.

À neuf heures, je vis entrer le roi et la reine, précédés de la grande maîtresse, du maréchal du palais, des aides de camp, des dames d’honneur et des officiers d’ordonnance, parmi lesquels on me montra M. George Micrommatis. Le roi était