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Pour ce qui est des Grecs, je les connaissais fort peu après quatre mois de séjour en Grèce. Rien n’est plus facile que de vivre dans Athènes sans se frotter aux naturels du pays. Je n’allais pas au café, je ne lisais ni la Pandore, ni la Minerve, ni aucun journal du cru ; je ne fréquentais pas le théâtre, parce que j’ai l’oreille délicate et qu’une fausse note m’offense plus cruellement qu’un coup de poing : je vivais à la maison avec mes hôtes, mon herbier et John Harris. J’aurais pu me faire présenter au palais, grâce à mon passeport diplomatique et à mon titre officiel. J’avais remis ma carte chez le maître des cérémonies et chez la grande maîtresse, et je pouvais compter sur une invitation au premier bal de la cour. Je tenais en réserve pour cette circonstance un bel habit rouge brodé d’argent que ma tante Rosenthaler m’avait apporté la veille de mon départ. C’était l’uniforme de feu son mari, préparateur d’histoire naturelle à l’Institut philomathique de Minden. Ma bonne tante, femme de grand sens, savait qu’un uniforme est bien reçu dans tout pays, surtout lorsqu’il est rouge. Mon frère aîné fit observer que j’étais plus grand que mon oncle, et que les manches de son habit n’arrivaient pas tout à fait au bout de mes bras ; mais papa répliqua vivement que la broderie d’argent éblouirait tout le monde, et que les princesses n’y regarderaient pas de si près.

Malheureusement la cour ne dansa pas de toute la saison. Les plaisirs de la vie furent la floraison des amandiers et des citronniers. On parlait vaguement d’un grand bal pour le 15 mai ; c’était un bruit de ville, accrédité par quelques journaux semi-officiels ; mais il n’y fallait pas compter.