Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le bras, plongea son regard jusqu’au fond de mes yeux, et dit d’une voix menaçante : « Je sais ce que tu as fait. »

Mon bras tomba découragé. Le cuisinier poursuivit :

« Oui, tu as jeté quelque chose sur le dîner du Roi.

— Quoi donc ?

— Un sort. Mais peu importe. Va, mon pauvre milord, Hadgi-Stavros est plus grand sorcier que toi. Je vais lui servir son repas. J’en aurai ma part, et tu n’en goûteras point.

— Grand bien te fasse ! »

Il me laissa devant le feu, en me recommandant à une douzaine de brigands qui croquaient du pain bis et des olives amères. Ces Spartiates me firent compagnie pendant une heure ou deux. Ils attisaient mon feu avec une attention de garde-malade. Si parfois j’essayais de me traîner un peu plus loin de mon supplice, ils s’écriaient : « Prends garde, tu vas te refroidir ! » Et ils me poussaient jusque dans la flamme à grands coups de bâtons allumés. Mon dos était marbré de taches rouges, ma peau se soulevait en ampoules cuisantes, mes cils frisaient à la chaleur du feu, mes cheveux exhalaient une odeur de corne brûlée, dont j’étais tout empuanti ; et cependant je me frottais les mains à l’idée que le Roi mangerait de ma cuisine, et qu’il y aurait du nouveau sur le Parnès avant la fin du jour.

Bientôt les convives d’Hadgi-Stavros reparurent dans le camp, l’estomac garni, l’œil allumé, la face épanouie. « Allez, pensai-je en moi-même, votre joie et votre santé tomberont comme un masque, et vous maudirez sincèrement chaque