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deux pieds d’une montagne de flammes. Le bois pétillait ; les charbons rouges tombaient en grêle autour de moi. La chaleur était insupportable. Je me traînai sur les mains à quelque distance, mais il revint avec une poêle à frire, et il me repoussa du pied jusqu’à l’endroit où il m’avait placé.

« Regarde bien, dit-il, et profite de mes leçons. Voici la fressure de trois agneaux : c’est de quoi nourrir vingt hommes. Le Roi choisira les morceaux les plus délicats ; il distribuera le reste à ses amis. Tu n’en es pas pour l’heure, et si tu goûtes de ma cuisine, ce sera des yeux seulement. »

J’entendis bientôt bouillir la friture, et ce bruit me rappela que j’étais à jeun depuis la veille. Mon estomac se rangea parmi mes bourreaux, et je comptai un ennemi de plus. Moustakas me mettait la poêle sous les yeux, et faisait luire à mes regards la couleur appétissante de la viande. Il secouait sous mes narines les parfums engageants de l’agneau grillé. Tout à coup il s’aperçut qu’il avait oublié quelque assaisonnement, et il courut chercher du sel et du poivre en confiant la poêle à mes bons soins. La première idée qui me vint fût de dérober quelque morceau de viande ; mais les brigands n’étaient qu’à dix pas ; ils m’auraient arrêté à temps. « Si, du moins, pensai-je en moi-même, j’avais encore mon paquet d’arsenic ! » Que pouvais-je en avoir fait ? Je ne l’avais pas remis dans la boîte. Je plongeai les mains dans mes deux poches. J’en tirai un papier malpropre et une poignée de cette poudre bienfaitrice qui devait me sauver peut-être et tout au moins me venger.

Moustakas revint au moment où j’avais la main droite ouverte au-dessus de la poêle. Il me saisit