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geance sans encourir celle de Dieu. C’est un conseil bien désintéressé que je vous donne ; il ne m’en reviendra rien ; mais je voudrais que tout le monde fût content, puisque le monastère a touché la dîme.

— Halte-là ! interrompit le cafedgi. Bon vieillard, j’ai une idée qui vaut mieux que la tienne. Je condamne le milord à mourir de faim. Les autres lui feront tout le mal qu’il leur plaira ; je ne prétends rien empêcher. Mais je serai en sentinelle devant sa bouche, et j’aurai soin qu’il n’y entre ni une goutte d’eau ni une miette de pain. Les fatigues redoubleront sa faim, les blessures allumeront sa soif, et tout le travail des autres tournera finalement à mon profit. Qu’en dis-tu, sire ? Est-ce bien raisonné, et me donneras-tu la succession de Vasile ?

— Allez tous au diable ! dit le Roi. Vous raisonneriez moins à votre aise si l’infâme vous avait volé quatre-vingt mille francs ! Emportez-le dans le camp et prenez sur lui votre récréation. Mais malheur au maladroit qui le tuerait par imprudence ! Cet homme ne doit mourir que de ma main. Je prétends qu’il me rembourse en plaisir tout ce qu’il m’a pris en argent. Il versera le sang de ses veines goutte à goutte, comme un mauvais débiteur qui s’acquitte sou par sou. »

Vous ne sauriez croire, monsieur, par quels crampons l’homme le plus malheureux tient encore à la vie. Certes, j’étais bien affamé de mourir ; et ce qui pouvait m’arriver de plus heureux était d’en finir d’un seul coup. Cependant quelque chose se réjouit en moi à cette menace d’Hadgi-Stavros. Je bénis la longueur de mon supplice. Un instinct d’espérance me chatouilla