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entr’ouverte avait encore le sourire pénible de l’ivrogne ; ses yeux ouverts conservaient un regard stupide. Les membres n’avaient rien perdu de leur souplesse ; la rigidité cadavérique se fait longtemps attendre chez les individus qui meurent par accident.

Le cafedgi du roi et son porte-chibouque procédèrent à la toilette du mort. Hadgi-Stavros en fit les frais, en sa qualité d’héritier. Vasile n’avait plus de famille, et tous ses biens revenaient au Roi. On revêtit le corps d’une chemise fine, d’une jupe en belle percale et d’une veste brodée d’argent. On enferma ses cheveux humides dans un bonnet presque neuf. On serra dans des guêtres de soie rouge ses jambes, qui ne devaient plus courir. On le chaussa de babouches en cuir de Russie. De sa vie, le pauvre Vasile n’avait été si propre et si beau. On passa du carmin sur ses lèvres : on lui mit du blanc et du rouge comme à un jeune premier qui va entrer en scène. Durant toute l’opération, l’orchestre des brigands exécutait un air lugubre que vous avez dû entendre plus d’une fois dans les rues d’Athènes. Je me félicite de n’être pas mort en Grèce, car c’est une musique abominable, et je ne me consolerais jamais d’avoir été enterré sur cet air-là.

Quatre brigands se mirent à creuser une fosse au milieu de la chambre, sur l’emplacement de la tente de Mme  Simons, à l’endroit où Mary-Ann avait dormi. Deux autres coururent au magasin chercher des cierges, qu’ils distribuèrent à l’assistance. J’en reçus un comme tout le monde. Le moine entonna l’office des morts. Hadgi-Stavros psalmodiait les répons d’une voix ferme, qui me remuait jusqu’au fond de l’âme. Il faisait un peu