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prenant garde de ne point me surcharger : c’était bien assez du fardeau que je portais. J’avais remarqué dans une course de chevaux qu’un admirable jockey s’était laissé battre parce qu’il portait une surcharge de cinq kilogrammes. Mon attention semblait attachée à la terre, mais vous pouvez croire qu’il n’en était rien. En semblable circonstance, on n’est plus botaniste, on est prisonnier. Pellisson ne se serait pas amusé aux araignées s’il avait eu seulement un clou pour scier ses barreaux. J’ai peut-être rencontré ce jour-là des plantes inédites qui auraient fait la fortune d’un naturaliste ; mais je m’en souciais comme d’une giroflée jaune. Je suis sûr d’avoir passé auprès d’un admirable pied de Boryana variabilis : il pesait une demi-livre avec les racines. Je ne lui fis pas l’honneur d’un regard ; je ne voyais que deux choses : Athènes à l’horizon, et les brigands à mes côtés. J’épiais les yeux de mes coquins, dans l’espoir qu’une bonne distraction me délivrerait de leur surveillance ; mais, qu’ils fussent sous ma main ou à dix pas de ma personne, qu’ils fussent occupés à cueillir leur salade ou à regarder voler les vautours, ils avaient toujours au moins un œil braqué sur mes mouvements.

L’idée me vint de leur créer une occupation sérieuse. Nous étions dans un sentier assez droit, qui s’en allait évidemment vers Athènes. J’avisai à ma gauche une belle touffe de genêts que les soins de la Providence avaient fait croître au sommet d’un rocher. Je feignis d’en avoir envie comme d’un trésor. J’escaladai à cinq ou six reprises le talus escarpé qui la protégeait. Je fis tant, qu’un de mes gardiens eut pitié de mon