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énorme, il n’y aura pas vingt mille francs pour moi. Nos frais sont considérables ; nous avons de lourdes charges. Que serait-ce donc si l’assemblée des actionnaires se décidait à fonder un hôtel des Invalides, comme il en a été question ? Il ne manquerait plus que de faire une pension aux veuves et aux orphelins du brigandage ! Comme les fièvres et les coups de fusil nous enlèvent trente hommes par an, vous voyez où cela nous conduirait. Nos frais seraient à peine couverts ; j’y mettrais du mien, mon cher monsieur !

— Vous est-il jamais arrivé de perdre sur une affaire ?

— Une seule fois. J’avais touché cinquante mille francs pour le compte de la société. Un de mes secrétaires, que j’ai pendu depuis, s’enfuit en Thessalie avec la caisse. J’ai dû combler le déficit : je suis responsable. Ma part s’élevait à sept mille francs ; j’en ai donc perdu quarante-trois mille. Mais le drôle qui m’avait volé l’a payé cher. Je l’ai puni à la mode de Perse. Avant de le pendre, on lui a arraché toutes les dents l’une après l’autre et on les lui a plantées à coup de marteau dans le crâne… pour le bon exemple, vous entendez ? Je ne suis pas méchant, mais je ne souffre pas qu’on me fasse du tort. »

Je me réjouis à l’idée que le pallicare, qui n’était pas méchant, perdrait quatre-vingt mille francs sur la rançon de Mme Simons, et qu’il en recevrait la nouvelle lorsque mon crâne et mes dents ne seraient plus à sa portée. Il passa son bras sous le mien et me dit familièrement :

« Comment allez-vous faire pour tuer le temps jusqu’à votre départ ? Ces dames vont vous manquer et la maison vous paraîtra grande. Voulez-