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pourrez raconter tout ce qu’il vous plaira. Parlez, écrivez, imprimez ; peu m’importe. Les ouvrages qu’on publie contre nous ne font de mal à personne, si ce n’est peut-être à leurs auteurs. Libre à vous de tenter l’aventure. Si vous dépeignez fidèlement ce que vous avez vu, les bonnes gens d’Europe vous accuseront de dénigrer un peuple illustre et opprimé. Nos amis, et nous en avons beaucoup parmi les hommes de soixante ans, vous taxeront de légèreté, de caprice et même d’ingratitude. On vous rappellera que vous avez été l’hôte d’Hadgi-Stavros et le mien ; on vous reprochera d’avoir trahi les saintes lois de l’hospitalité. Mais le plus plaisant de l’affaire, c’est que l’on ne vous croira pas. Le public n’accorde sa confiance qu’aux mensonges vraisemblables. Allez donc persuader aux badauds de Paris, de Londres ou de Berlin que vous avez vu un capitaine de gendarmerie embrasser un chef de brigands ! Une compagnie de troupes d’élite faire sentinelle autour des prisonniers d’Hadgi-Stavros pour lui donner le temps de piller la caisse de l’armée ! Les plus hauts fonctionnaires de l’État fonder une compagnie par actions pour détrousser les voyageurs ! Autant vaudrait leur raconter que les souris de l’Attique ont fait alliance avec les chats, et que nos agneaux vont chercher leur nourriture dans la gueule des loups. Savez-vous ce qui nous protège contre les mécontentements de l’Europe ? C’est l’invraisemblance de notre civilisation. Heureusement pour le royaume, tout ce qu’on écrira de vrai contre nous sera toujours trop violent pour être cru. Je pourrais vous citer un petit livre qui n’est pas à notre louange, quoiqu’il soit exact d’un bout à l’autre. On l’a lu