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parti en brave et se réjouit presque d’un malheur qui devait grossir sa dot. Heureux pays, où les blessures du cœur se guérissent avec des pièces de cinq francs ! Cette servante philosophe ne fut pas d’un grand secours à Mme  Simons : de tous les travaux de son sexe, elle ne connaissait que le labourage. Quant à moi, elle me rendit la vie insupportable par l’habitude qu’elle avait de grignoter une gousse d’ail par friandise et par coquetterie, comme les dames de Hambourg s’amusent à croquer des bonbons.

La journée s’acheva sans autre accident. Le lendemain nous parut à tous d’une longueur intolérable. Le Corfiote ne nous quittait pas d’une semelle. Mary-Ann et sa mère cherchaient les gendarmes à l’horizon et ne voyaient rien venir. Moi qui suis accoutumé à une vie active, je me rongeais dans l’oisiveté. J’aurais pu courir dans la montagne et herboriser, sous bonne garde : mais un certain je ne sais quoi me retenait auprès de ces dames. Pendant la nuit, je dormais mal : mon projet d’évasion me trottait obstinément par la tête. J’avais remarqué la place où le Corfiote logeait son poignard avant de se coucher ; mais j’aurais cru commettre une trahison en me sauvant sans Mary-Ann.

Le samedi matin, entre cinq et six heures, un bruit inusité m’attira vers le Cabinet du Roi. Ma toilette fut bientôt faite : je me mettais au lit tout habillé.

Hadgi-Stavros, debout au milieu de sa troupe, présidait un Conseil tumultueux. Tous les brigands étaient sur le pied de guerre, armés jusqu’aux dents. Dix ou douze coffres que je n’avais jamais aperçus reposaient sur des bran-