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fleurir toutes leurs habitations dans la nuit du Ier mai. Ces bouquets et la Boryana variabilis provenaient donc de la munificence du Roi. La chanson funèbre me poursuivait toujours. Je gravis l’escalier qui conduisait au cabinet d’Hadgi-Stavros, et j’aperçus un spectacle plus curieux que tout ce qui m’avait étonné la veille. Un autel était dressé sous le sapin royal. Le moine, revêtu d’ornements magnifiques, célébrait avec une dignité imposante l’office divin. Nos buveurs de la nuit, les uns debout, les autres agenouillés dans la poussière, tous religieusement découverts, s’étaient métamorphosés en petits saints : l’un baisait dévotement une image peinte sur bois, l’autre se signait à tour de bras et comme à la tâche ; les plus fervents donnaient du front contre terre et balayaient le sol avec leurs cheveux. Le jeune chiboudgi du Roi circulait dans les rangs avec un plateau en disant : « Faites l’aumône ! qui donne à l’Église prête à Dieu. » Et les centimes pleuvaient devant lui, et le grésillement du cuivre tombant sur le cuivre accompagnait la voix du prêtre et les prières des assistants. Lorsque j’entrai dans l’assemblée des fidèles, chacun d’eux me salua avec une cordialité discrète qui rappelait les premiers temps de l’Église. Hadgi-Stavros, debout auprès de l’autel, me fit une place à ses côtés. Il tenait un grand livre à la main, et jugez de ma surprise lorsque je vis qu’il psalmodiait les leçons à haute voix. Le brigand officiait ! Il avait reçu dans sa jeunesse le deuxième des ordres mineurs ! il était lecteur ou anagnoste. Un degré de plus, il aurait été exorciste et investi du pouvoir de chasser les démons ! Assurément, monsieur, je ne suis pas de ces voyageurs qui