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je voulus crier ; la parole s’arrêta dans ma gorge ou fut couverte par la voix des chantres. J’entendais assez distinctement les versets et les répons pour reconnaître que mes funérailles se célébraient en grec. Je fis un effort violent pour remuer mon bras droit : il était de plomb. J’étendis le bras gauche, il céda facilement, heurta contre la tente et fit tomber quelque chose qui ressemblait à un bouquet. Je me frotte les yeux, je me lève sur mon séant, j’examine ces fleurs tombées du ciel, et je reconnais dans la masse un superbe échantillon de la Boryana variabilis. C’était bien elle ! Je touchais ses feuilles lobées, son calice gamosépale, sa corolle composée de cinq pétales obliques réunis à la base par un filet staminal, ses dix étamines, son ovaire à cinq loges : je tenais dans ma main la reine des malvacées ! Mais par quel hasard se trouvait-elle au fond de ma tombe ? et comment l’envoyer de si loin au Jardin des Plantes de Hambourg ? En ce moment, une vive douleur attira mon attention vers mon bras droit. On eût dit qu’il était en proie à une fourmilière de petits animaux invisibles. Je le secouai de la main gauche, et peu à peu il revint à l’état normal. Il avait porté ma tête pendant plusieurs heures, et la pression l’avait engourdi. Je vivais donc, puisque la douleur est un des privilèges de la vie ! Mais, alors, que signifiait cette chanson funèbre qui bourdonnait obstinément à mes oreilles ? Je me levai. Notre appartement était dans le même état que la veille au soir. Mme  Simons et Mary-Ann dormaient profondément. Un gros bouquet pareil au mien pendait au sommet de leur tente. Je me rappelai enfin que les Grecs avaient coutume de