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le camp des voleurs éclairé comme par un incendie. Des pins entiers flambaient d’espace en espace. Cinq ou six groupes assis autour du feu rôtissaient des agneaux embrochés dans des bâtons. Au milieu de la foule, un ruban de danseurs serpentait lentement au son d’une musique effroyable. Les coups de fusil partaient dans tous les sens. Il en vint un dans notre direction, et j’entendis siffler une balle à quelques pouces de mon oreille. Je priai ces dames de doubler le pas, espérant qu’auprès du Roi nous serions plus loin du danger. Le Roi, assis sur son éternel tapis, présidait avec solennité aux divertissements de son peuple. Autour de lui, les outres se vidaient comme de simples bouteilles ; les agneaux se découpaient comme des perdrix ; chaque convive prenait un gigot ou une épaule et l’emportait à pleine main. L’orchestre était composé d’un tambourin sourd et d’un flageolet criard : le tambourin était devenu sourd à force d’entendre crier le flageolet. Les danseurs avaient ôté leurs souliers pour être plus agiles. Ils se démenaient sur place et faisaient craquer leurs os en mesure, ou à peu près. De temps en temps, l’un d’eux quittait le bal, avalait une coupe de vin, mordait dans un morceau de viande, tirait un coup de fusil, et retournait à la danse. Tous ces hommes, excepté le Roi, buvaient, mangeaient, hurlaient et sautaient : je n’en vis pas rire un seul.

Hadgi-Stavros s’excusa galamment de nous avoir éveillés.

« Ce n’est pas moi qui suis coupable, dit-il, c’est la coutume. Si le Ier mai se passait sans coups de fusil, ces braves gens ne croiraient pas au retour du printemps. Je n’ai ici que des êtres