Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dames, et je me retirai sous ma tente. Là, j’oubliai en un instant rossignol, danger, rançon, piqûres ; je fermai les yeux à double tour, et je dormis.

Une fusillade épouvantable m’éveilla en sursaut. Je me levai si brusquement, que je donnai de la tête contre un des piquets de ma tente. Au même instant, j’entendis deux voix de femmes qui criaient : « Nous sommes sauvées ! Les gendarmes ! » Je vis deux ou trois fantômes courir confusément à travers la nuit. Dans ma joie, dans mon trouble, j’embrassai la première ombre qui passa à ma portée : c’était le Corfiote.

« Halte-là ! cria-t-il ; où courez-vous, s’il vous plaît ?

— Chien de voleur, répondis-je en essuyant ma bouche, je vais voir si les gendarmes auront bientôt fini de fusiller tes camarades. »

Mme Simons et sa fille, guidées par ma voix, arrivèrent auprès de nous. Le Corfiote nous dit :

« Les gendarmes ne voyagent pas aujourd’hui. C’est l’Ascension et le Ier mai : double fête. Le bruit que vous avez entendu est le signal des réjouissances. Il est minuit passé ; jusqu’à demain à pareille heure, nos compagnons vont boire du vin, manger de la viande, danser la romaïque et brûler de la poudre. Si vous vouliez voir ce beau spectacle, vous me feriez plaisir. Je vous garderais plus agréablement autour du rôti qu’au bord de la fontaine.

— Vous mentez ! dit Mme Simons. C’est les gendarmes !

— Allons-y voir, » ajouta Mary-Ann.

Je les suivis. Le vacarme était si grand, qu’à vouloir dormir on eût perdu sa peine. Notre guide nous fit traverser le cabinet du Roi et nous montra