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nous apporter les tentes. Mme  Simons jeta les hauts cris en voyant que sa maison se composait d’une simple bande de feutre grossier, pliée par le milieu, fixée à terre par les bouts, et ouverte au vent de deux côtés. Le Corfiote jurait que nous serions logés comme des princes, sauf le cas de pluie ou de grand vent. La troupe entière se mit en devoir de planter les piquets, de dresser nos lits et d’apporter les couvertures. Chaque lit se composait d’un tapis couvert d’un gros manteau de poil de chèvre. À six heures, le Roi vint s’assurer par ses yeux que nous ne manquions de rien. Mme  Simons, plus courroucée que jamais, répondit qu’elle manquait de tout. Je demandai formellement l’exclusion de tous les visiteurs inutiles. Le Roi établit un règlement sévère, qui ne fut jamais suivi. Discipline est un mot français bien difficile à traduire en grec.

Le Roi et ses sujets se retirèrent à sept heures, et l’on nous servit le souper. Quatre flambeaux de bois résineux éclairaient la table. Leur lumière rouge et fumeuse colorait étrangement la figure un peu pâle de Mlle  Simons. Ses yeux semblaient s’éteindre et se rallumer au fond de leurs orbites, comme les phares à feu tournant. Sa voix, brisée par la fatigue, reprenait par intervalles un éclat singulier. En l’écoutant, mon esprit s’égarait dans le monde surnaturel, et il me venait je ne sais quelles réminiscences des contes fantastiques. Un rossignol chanta, et je crus voir sa chanson argentine voltiger sur les lèvres de Mary-Ann. La journée avait été rude pour tous, et moi-même, qui vous ai donné des preuves éclatantes de mon appétit, je reconnus bientôt que je n’avais faim que de sommeil. Je souhaitai le bonsoir à ces