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LE FELLAH

cienne, c’est-à-dire moins personnelle. Napoléon, le plus illustre de vos parvenus, s’est laissé affubler d’une généalogie. Tandis qu’il instituait la Légion d’honneur et qu’il sanctionnait l’abolition du droit d’aînesse, il créait une aristocratie héréditaire, il décrétait les majorats, et pour comble de contradiction il redorait les blasons de la vieille noblesse. Vous avez eu des princes sincèrement, honnêtement bourgeois ; ils n’ont su ni protéger ni supprimer les titres ; ils les donnaient aux uns, les laissaient prendre aux autres, et vous en êtes encore au même point. L’usurpation est interdite aux magistrats, tolérée chez les préfets, commandée aux diplomates. Un fabricant d’allumettes chimiques est nommé comte à grand orchestre, parce qu’il a su s’enrichir en fabriquant des milliards d’allumettes ; mais son gentilhomme de fils ne pourrait plus sans déroger en vendre une seule. Vous direz à cela qu’on ne déroge plus, que les écussons les plus illustres servent d’enseigne à des marchands de vin, que les alliances baroques ou même scandaleuses laissent le nom intact, que le fils illégitime d’un comte et d’une blanchisseuse hérite de tous les titres paternels, s’il est simplement reconnu ; que les barrières protectrices de l’aristocratie croulent de tous côtés, et que la magistrature du roi d’armes est exercée par de petits faussaires en chambre : raison de plus pour rendre hommage à la noblesse du fellah, qui est la plus antique, la plus pure, la plus bienfaisante et la plus modeste de toutes.

« Nos pères sont les premiers hommes dignes de ce nom dont il soit parlé dans l’histoire ; ils ont créé de toutes pièces une civilisation parfaite quand tout