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LE FELLAH

— Une serrure de bois a-t-elle des ressorts en copeaux ?

— Parti de là, comment avez-vous pu arriver où vous êtes ?

— Pourquoi donc dites-vous : si tant est qu’elle existe encore ? Seriez-vous sans nouvelles des vôtres depuis quatre ans ?

La dernière question, qui trahissait plus d’intérêt que de curiosité banale, avait sa source, on le devine, dans un petit cœur féminin.

Ahmed répondit tout d’un trait : — L’armoire au linge est inutile chez ceux qui portent nuit et jour, en toute saison, pour tout vêtement, une tunique de coton bleu. Le climat d’Égypte est si doux qu’il n’y faut pas d’autre costume. Une poignée de paille étalée au-dessus de nos têtes laisse entrer la lumière, et nous défend contre le rayonnement nocturne ; nous employons à cet office la paille du sorgho, qui atteint une longueur de quatre mètres et plus. On dort sur des nattes, et souvent sur la terre nue. Nous avons été sept à la maison, le père, la mère et cinq enfants ; trois sont morts, c’est la loi commune : il ne survit chez nous que quatre enfants sur dix ; en France, vous en sauvez deux de plus, mais avec vos ressources et votre instruction vous pourriez mieux faire encore. Nos serrures de bois sont des instruments simples et ingénieux ; on les emploie de temps immémorial ; je veux vous en montrer quelqu’une au premier jour. Les soldats de Napoléon devraient les avoir fait connaître à leurs compatriotes : ils ont tant ri de nos serrures, de nos cloches vivantes et de notre bois à brûler !

— Quelles cloches ?