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LE FELLAH

nait les chiens en laisse. Le premier mouvement d’un chasseur posté est de voir le voisin qu’on lui donne et de se mettre en rapport avec lui. Un geste de la main, un coup de chapeau, quelquefois un léger sifflement, remplace avantageusement le discours : « Vous savez où je suis, je sais où vous êtes ; ne tirons pas l’un sur l’autre ; ce serait du plomb perdu. »

En général, j’aime fort la jeunesse ; mais à quarante pas de distance, quand les fusils sont chargés de double zéro, je la tiens pour un peu suspecte. Mon voisin était un grand garçon de vingt ans, presque imberbe, très-brun, assez gauche et vraisemblablement très-frileux, car il grelottait sous une pelisse de mouton. Notre hôte nous l’avait vaguement présenté, à la station, avec cinq ou six autres personnes, mais je ne le connaissais pas, et partant j’avais l’œil sur lui.

Jugez de ma surprise quand je le vis entrer sous bois, s’approcher d’une mare, casser la croûte de glace en la soulevant par les bords, se dépouiller de presque tous ses vêtements et dénouer les cordons de sa chaussure ! En un clin d’œil, il fut nu-pieds, nu-bras, nu-tête, et il procéda immédiatement au soin de sa toilette sans négliger aucun détail. Un petit-maître n’eût pas mieux fait devant son feu, dans un cabinet confortable. Et le thermomètre du château marquait cinq degrés au-dessous de zéro !

Ce jeu bizarre se prolongea tant et si bien que la sympathie me fit grelotter à mon tour. Je suivis avec un vif intérêt les manœuvres du jeune homme qui se rhabillait au galop, mais je n’étais pas au bout de mes étonnements. Lorsqu’il ne lui restait, selon