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LE FELLAH




I


Je ne me rappelle pas précisément la date, mais l’Égypte était possédée par un original du nom de Saïd-Pacha, et je n’avais encore ni l’espérance ni même la curiosité de la voir. Tout compte fait, l’aventure que je vous livre en guise de prologue remonte à neuf ou dix hivers. Et l’hiver, cette fois, n’était pas un vain, mot : les arbres ployaient sous le givre, la terre craquait sous nos bottes, le canon du fusil me brûlait le bout des doigts quand par hasard j’ôtais un gant.

La vieille année allait finir, à moins pourtant que la nouvelle eût commencé ; impossible de dire au juste si les étrennes étaient dues ou payées, mais pour sûr c’était un dimanche, car nous chassions à quelques lieues de Paris chez un grand industriel qui travaille six jours sur sept.

Le garde, un vieux soldat, venait de me poster au coin d’un petit bois taillis en disant : « Pas de cigare et pas de bruit ; s’il vous passe un lapin, laissez-le ; nous avons des chevreuils dans l’enceinte. » Sur cet avis, il s’éloigna, suivi d’un groupe de quinze ou vingt messieurs et d’un gamin qui te-