se poursuivaient sans s’atteindre. Faute de menue monnaie, nous y déposâmes majestueusement un zwanzig, c’est-à-dire environ 75 centimes de France, et notre grandeur d’âme inspira autant d’admiration au public que de reconnaissance à l’orchestre ; car un instant après, les trois flageolets et le tambourin vinrent s’établir en face de nous et nous régaler d’un concert à bout portant dont les oreilles me tintent encore. Nous eûmes beaucoup de peine à les faire taire, ou du moins à les rendre à la danse.
Le soleil allait se coucher ; la fête touchait à sa fin : elle avait duré plus de douze heures.
C’était un spectacle vraiment curieux que cette danse à son paroxysme. Les rangs n’étaient pas rompus, chacun gardait sa place ; la musique ne précipitait pas la mesure, si toutefois il y avait une mesure, mais chacun prévoyant la fin du plaisir, sautait aussi haut qu’il pouvait. Or, les femmes grecques (je n’ai pas dit les dames) ne portent jamais de corset, quoiqu’elles en aient besoin plus que personne. Il y avait dans cette foule bon nombre de nourrices au corsage exagéré qui riaient du haut de leur tête en voyant osciller librement toutes leurs richesses maternelles. Mais ces mères de famille, rudement ballottées, ne servaient qu’à mieux faire valoir deux ou trois jeunes filles à l’œil calme, au visage sévère, qui pouvaient bondir impunément sans troubler l’harmonie de leurs lignes sculpturales.
Ce qui nous frappait le plus dans cette fête, c’est que, malgré l’ivresse de plaisir dont tout le monde était possédé, et quoique le village entier parût