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LA GRÈCE CONTEMPORAINE.

irrésistible ; tout chemin un peu poudreux l’invite à s’étendre sur le dos, et le plus désolant, c’est que l’eau des rivières produit exactement sur lui le même effet. Il n’écoute pas la bride, il est indifférent à la cravache, et les coups de talon les plus énergiques sont des raisons qui ne le persuadent pas. Et cependant je suis bien capable de l’aimer un peu, en mémoire de certains mauvais pas que nous avons franchis, l’un portant l’autre, et que je n’aurais pu traverser sans lui.

Si l’on finit par s’attacher à son cheval, on adore bientôt ses agoyates. Notre agoyate en chef avait la plus belle figure d’honnête homme que j’aie jamais rencontrée. Il s’appelle Leftéri, c’est-à-dire libre, et jamais nom ne fut mieux porté. Il nous rendait mille petits offices avec tant de dignité et d’un si grand air, qu’on aurait juré qu’il nous servait par politesse et non par métier.

Nous formions à nous tous une plaisante armée. Nos bagages, secoués par la marche des chevaux, s’éparpillaient sur la route ; les jupes blanches de nos hommes avaient pris, au bout de huit jours, des couleurs inqualifiables, et nos vêtements, produits économiques de la Belle Jardinière, trahissaient en vingt endroits la faiblesse de leurs coutures.