présent, il ne lui paraissait pas vraisemblable que le colonel Fougas pût être rappelé à la vie : les influences atmosphériques et les variations de température qu’il avait subies durant un espace de quarante-six ans devaient avoir altéré les humeurs et les tissus.
C’était aussi le sentiment de M. Renault et de son fils. Pour calmer un peu l’exaltation de Clémentine, ils lui lurent les derniers paragraphes de la lettre de M. Hirtz. On lui cacha le testament de Jean Meiser, qui n’aurait pu que lui échauffer la tête. Mais cette petite imagination fermentait sans relâche, quoi qu’on fît pour l’assoupir. Clémentine recherchait maintenant la compagnie du docteur Martout ; elle discutait avec lui, elle voulait voir des expériences sur la résurrection des rotifères. Rentrée chez elle, elle pensait un peu à Léon et beaucoup au colonel. Le projet de mariage tenait toujours, mais personne n’osait parler de la publication des bans. Aux tendresses les plus touchantes de son futur, la jeune fiancée répondait par des discussions sur le principe vital. Ses visites dans la maison Renault ne s’adressaient pas aux vivants, mais au mort. Tous les raisonnements qu’on mit en œuvre pour la guérir d’un fol espoir ne servirent qu’à la jeter dans une mélancolie profonde. Ses belles couleurs pâlirent, l’éclat de son regard s’éteignit. Minée par un mal secret, elle perdit cette aimable vivacité qui était comme le pétillement de la jeunesse et de la joie.