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C’est plus fort que moi. Sérieusement, mon cher Léon, ce vieillard m’attire.

— Pourquoi vieillard ? Il a l’air d’un homme qui est mort entre vingt-cinq et trente ans.

— Êtes-vous bien sûr qu’il soit mort ? J’ai dit vieillard, à cause d’un rêve que j’ai fait cette nuit.

— Ah ! vous aussi ?

— Oui. Vous vous rappelez comme j’étais agitée en vous quittant. Et puis, j’avais été grondée par ma tante. Et puis, je me rappelais des spectacles terribles, ma pauvre mère couchée sur son lit de mort… Enfin, j’avais l’esprit frappé.

— Pauvre cher petit cœur !

— Cependant, comme je ne voulais plus penser à rien, je me couchai bien vite et je fermai les yeux de toutes mes forces, si bien que je m’endormis. Je ne tardai pas à revoir le colonel. Il était couché comme je l’avais vu, dans son triple cercueil, mais il avait de longs cheveux blancs et la figure la plus douce et la plus vénérable. Il nous priait de le mettre en terre sainte, et nous le portions, vous et moi, au cimetière de Fontainebleau. Arrivés devant la tombe de ma mère, nous vîmes que le marbre était déplacé. Ma mère, en robe blanche, au fond du caveau, s’était rangée pour faire une place à côté d’elle et elle semblait attendre le colonel. Mais toutes les fois que nous essayions de le descendre, son cercueil nous échappait des mains et restait suspendu