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un jour, que son bien appartenait à sa future famille.

« Je ne veux pas, dit-elle, que vos enfants m’accusent de les avoir dépouillés. Gardez vos millions pour mes petits oncles et mes petites tantes ! »

Mais, pour le coup, Fougas ne voulut pas rompre d’une semelle.

« Est-ce que tu te moques de moi ? dit-il à Clémentine. Penses-tu que je ferai la sottise de me marier maintenant ? Je ne te promets pas de vivre comme un trappiste, mais, à mon âge et bâti comme je le suis, on trouve à qui parler dans les garnisons, sans épouser personne. Mars n’emprunte pas le flambeau de l’Hyménée pour éclairer les petites promenades de Vénus ! Pourquoi l’homme forme-t-il des nœuds ?… Pour être père. Je le suis au comparatif, et dans un an, si notre brave Léon se conduit en homme, j’attraperai le superlatif. Bisaïeul ! c’est un joli grade pour un troupier de vingt-cinq ans. À quarante-cinq ou cinquante, je serai trisaïeul. À soixante-dix… la langue française n’a plus de mots pour dire ce que je deviendrai ! mais nous en commanderons un à ces bavards de l’Académie ! Crains-tu que je manque de rien dans mes vieux jours ? J’ai ma solde, d’abord, et ma croix d’officier. Dans l’âge des Anchise et des Nestor, j’aurai ma pension de retraite. Ajoutes-y les deux cent cinquante mille francs du roi de Prusse, et tu verras que