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beau se répéter que mille autres avaient été supplantés la veille du mariage et cent mille autres le lendemain, la tristesse était plus forte que la raison, et trois ou quatre cheveux follets commençaient à blanchir autour de ses tempes.

« Clémentine ! disait-il, je suis le plus malheureux des hommes. En me refusant cette main que vous m’aviez promise, vous me condamnez à un supplice cent fois pire que la mort. Hélas ! que voulez-vous que je devienne sans vous ? Il faudra que je vive seul, car je vous aime trop pour en épouser une autre. Depuis tantôt quatre ans, toutes mes affections, toutes mes pensées sont concentrées sur vous ; je me suis accoutumé à regarder les autres femmes comme des êtres inférieurs, indignes d’attirer le regard d’un homme ? Je ne vous parle pas des efforts que j’ai faits pour vous mériter ; ils portaient leur récompense en eux-mêmes, et j’étais déjà trop heureux de travailler et de souffrir pour vous. Mais voyez la misère où votre abandon m’a laissé ! Un matelot jeté sur une île déserte est moins à plaindre que moi : il faudra que je demeure auprès de vous, que j’assiste au bonheur d’un autre ; que je vous voie passer sous mes fenêtres au bras de mon rival ! Ah ! la mort serait plus supportable que ce supplice de tous les jours. Mais je n’ai pas même le droit de mourir ! Mes pauvres vieux parents ont bien assez de peines. Que se-