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aimé un militaire, mais ce brave agriculteur tout rond suffit à mon cœur. Je ne lui devrai point les satisfactions de l’orgueil ; mais n’importe ! J’ai son amitié. »

Le dîner était servi, et la table plus chargée de viandes que l’estomac de Gargantua. Gros-Pierre aussi glorieux de sa grande famille que de sa petite fortune, fit assister le colonel au dénombrement de ses fils. Et Fougas se réjouit d’apprendre qu’il avait six petits-enfants bien venus.

On le mit à la droite d’une petite vieille rabougrie qui lui fut présentée comme la grand’mère de ces gaillards-là. Dieu ! que Clémentine lui parut changée ! Excepté les yeux, qui restaient vifs et brillants, il n’y avait plus rien de reconnaissable en elle. « Voilà, pensa Fougas, comme je serais aujourd’hui, si le brave Jean Meiser ne m’avait pas desséché ! » Il souriait avec malice en regardant le grand-père Langevin, chef putatif de cette nombreuse famille. « Pauvre vieux ! murmurait Fougas, tu ne sais pas ce que tu me dois ! »

On dîne bruyamment aux noces de village. C’est un abus que la civilisation ne réformera jamais, je l’espère bien. À la faveur du bruit, le colonel causa ou crut causer avec sa voisine. « Clémentine ! » lui dit-il. Elle leva les yeux et même le nez et répondit :

— Oui, monsieur.