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Le prince est un admirable petit soldat ! Il a daigné battre la caisse sur mon chapeau neuf ; je pleurais de tendresse. S. M. l’Impératrice, avec un sourire angélique, m’a dit qu’elle avait entendu parler de mes malheurs. « Ô madame ! ai-je répondu, un moment comme celui-ci les rachète au centuple. — Il faudra venir danser aux Tuileries l’hiver prochain. — Hélas ! madame, je n’ai jamais dansé qu’au bruit du canon ; mais aucun effort ne me coûtera pour vous plaire ! J’étudierai l’art de Vestris. — J’ai bien appris la contredanse, » ajouta Leblanc.

L’Empereur a daigné me dire qu’il était heureux de retrouver un officier comme moi, qui avait fait pour ainsi dire hier les plus belles campagnes du siècle, et qui avait conservé les traditions de la grande guerre. Cet éloge m’enhardit. Je ne craignis pas de lui rappeler le fameux principe du bon temps : signer la paix dans les capitales ! « Prenez garde, dit-il ; c’est en vertu de ce principe que les armées alliées sont venues deux fois signer la paix à Paris. — Ils n’y reviendront plus, m’écriai-je, à moins de me passer sur le corps. » J’insistai sur les inconvénients d’une trop grande familiarité avec l’Angleterre. J’exprimai le vœu de commencer prochainement la conquête du monde. D’abord, nos frontières à nous ; ensuite, les frontières naturelles de l’Europe ; car l’Europe est la banlieue de la France, et on ne saurait l’annexer trop tôt. L’Empereur hocha la tête