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paire de bottes dans la peau de l’infortuné Zéphyr ! sans compter toutes les fois que tu m’as sauvé la vie ! Ô mon brave et loyal ami, que je t’embrasse encore ! Je te reconnais maintenant, mais il n’y a pas à dire : tu es changé !

— Dame ! je ne me suis pas conservé dans un bocal d’esprit-de-vin. J’ai vécu, moi !

— Tu sais donc mon histoire ?

— Je l’ai entendu raconter hier au soir chez le ministre de l’instruction publique. Il y avait là le savant qui t’a remis sur pied. Je t’ai même écrit en rentrant chez moi pour t’offrir la niche et la pâtée, mais ma lettre se promène du côté de Fontainebleau.

— Merci ! tu es un solide ! Ah ! mon pauvre vieux ! que d’événements depuis la Bérésina ! Tu as su tous les malheurs qui sont arrivés ?

— Je les ai vus, ce qui est plus triste. J’étais chef d’escadron après Waterloo ; les Bourbons m’ont flanqué à la demi-solde. Les amis m’ont fait rentrer au service en 1822, mais j’avais de mauvaises notes, et j’ai roulé les garnisons, Lille, Grenoble et Strasbourg, sans avancer. La seconde épaulette n’est venue qu’en 1830 ; pour lors, j’ai fait un bout de chemin en Afrique. On m’a nommé général de brigade à l’Isly, je suis revenu, j’ai flâné de côté et d’autre jusqu’en 1848. Nous avons eu cette année-là une campagne de juin en plein Paris. Le cœur me