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que j’ignorais encore se glissa furtivement dans mon âme.

« Ornée de tous les dons de la nature, enrichie des fruits d’une excellente éducation, la jeune et intéressante Clémentine sortait à peine des ténèbres de l’enfance pour entrer dans les douces illusions de la jeunesse. Dix-huit printemps formaient son âge ; les auteurs de ses jours offraient à quelques chefs de l’armée une hospitalité qui, pour n’être pas gratuite, n’en était pas moins cordiale. Voir leur fille et l’aimer fut pour moi l’affaire d’un jour. Son cœur novice sourit à ma flamme : aux premiers aveux qui me furent dictés par la passion, je vis son front se colorer d’une aimable pudeur. Nous échangeâmes nos serments par une belle soirée de juin, sous une tonnelle où son heureux père versait quelquefois aux officiers altérés la brune liqueur du Nord. Je jurai qu’elle serait ma femme, elle promit de m’appartenir ; elle fit plus encore. Notre bonheur ignoré de tous eut le calme d’un ruisseau dont l’onde pure n’est point troublée par l’orage, et qui, coulant doucement entre des rives fleuries, répand la fraîcheur dans le bocage qui protège son modeste cours.

« Un coup de foudre nous sépara l’un de l’autre, au moment où la loi et les autels s’apprêtaient à cimenter des nœuds si doux. Je partis avant d’avoir pu donner mon nom à celle qui m’avait donné son