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de supposer qu’ils dîneraient peut-être avec un fou. Mais la curiosité fut plus forte que la peur. Le colonel les rassura bientôt par l’accueil le plus cordial. Il s’excusa de s’être conduit en homme qui revient de l’autre monde. Il causa beaucoup, un peu trop peut-être, mais on était si heureux de l’entendre, et ses paroles empruntaient tant de prix à la singularité des événements, qu’il obtint un succès sans mélange. On lui dit que le docteur Martout avait été un des principaux agents de sa résurrection, avec une autre personne qu’on promit de lui présenter plus tard. Il remercia chaudement M. Martout, et demanda quand il pourrait témoigner sa reconnaissance à l’autre personne. « J’espère, dit Léon, que vous la verrez ce soir. »

On n’attendait plus que le colonel du 23e de ligne, M. Rollon. Il arriva, non sans peine, à travers les flots de peuple qui remplissaient la rue de la Faisanderie. C’était un homme de quarante-cinq ans, voix brève, figure ouverte. Ses cheveux grisonnaient vaguement, mais la moustache brune, épaisse et relevée, se portait bien. Il parlait peu, disait juste, savait beaucoup et ne se vantait pas : somme toute, un beau type de colonel. Il vint droit à Fougas et lui tendit la main comme à une vieille connaissance. « Mon cher camarade, lui dit-il, j’ai pris grand intérêt à votre résurrection, tant en mon propre nom qu’au nom du régiment. Le 23e, que