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SCÈNE SEPTIÈME


ALFRED, premier plan au milieu.

Au contraire ! hier, quand j’étais ici tout seul à vous admirer, quand vous vous promeniez en-bas toute seule, quand il n’y avait personne entre nous pour m’empêcher de vous dire : « Je vous aime ! », une absurde timidité m’enchaînait dans mon coin. Maintenant que le monde entier s’efforce de nous séparer, ce déploiement de force armée, ces obstacles, ces ennemis, ces tricornes m’ont donné du courage, et me voici, madame, à vos genoux.

Se mettant à genoux aux pieds de madame Pérard.
MADAME PÉRARD.

Y songez-vous, monsieur ? Mais je vous en prie ! vous me perdez ! On peut venir !

ALFRED.

Qu’ils viennent tous ! que l’univers entier soit témoin de notre amour !

Il se relève.
MADAME PÉRARD.

De notre amour ? En vérité, monsieur, je vous admire ! Vous ne me connaissez pas, je ne vous connais point, vous tombez ici comme un aérolithe, et dès le premier mot, vous parlez de notre amour, comme si nous avions gardé ensemble les moutons de Florian.

ALFRED.

Je ne vous connais pas, dites-vous ? Je ne vous connais pas ? Eh bien ! je vais vous dire ce que vous êtes. Vous êtes l’idéal, c’est-à-dire l’assemblage miraculeux de toutes les perfections que la nature a disséminées dans les êtres, et que l’art s’efforce de réunir. Vous êtes la majesté jointe à la grâce, la beauté plastique animée de tous les pétillements de l’esprit. Vous êtes l’invraisemblable dans la perfection, l’oiseau qui fleurit, la fleur qui chante.