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arriver. Il n’éprouva ni surprise ni regret ; le sang afflua au cerveau, et tout fut dit. Sa tête n’était plus qu’une cage ouverte d’où la raison s’était envolée. Il passa les dernières heures de la nuit, accoudé sur un cadavre, qui se refroidit graduellement jusqu’au matin.

Lorsque le Tas vint voir si sa belle cousine était éveillée, elle entendit à travers la porte un cri aigre et discordant comme le chant du geai. Elle vit un vieillard ensanglanté qui remuait la tête en tout sens, comme pour la jeter loin de son corps. Le duc de la Tour d’Embleuse criait : « Aca ! aca ! aca ! » C’est tout ce qui lui restait du don de la parole, le plus beau privilège de l’homme. Sa figure grimaçait horriblement, ses yeux s’ouvraient et se fermaient par ressorts ; ses jambes étaient paralysées, son corps cloué sur le fauteuil, ses mains mortes.

Le Tas n’avait jamais connu qu’un sentiment humain : elle adorait sa maîtresse. C’est le sort des parents pauvres de s’attacher furieusement à leur famille, soit pour l’aimer, soit pour la haïr. La monstrueuse fille se jeta sur le corps de sa maîtresse avec un cri dont on ne trouverait d’exemple que dans le désert. Elle la pleura comme les tigresses doivent pleurer leurs petits. Elle arracha le couteau d’une grande et profonde blessure qui ne saignait plus ; elle emporta dans ses bras ce beau