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solu, irréfléchi, sans mesure et sans restriction, n’était pas un sentiment nouveau pour lui : c’est ainsi que depuis soixante ans il s’aimait lui-même. Son égoïsme avait changé d’objet sans changer de caractère. Il aurait immolé le monde entier au caprice de Mme Chermidy, comme autrefois à son propre intérêt ou à son plaisir.

Depuis le jour où l’ingrate l’avait quitté, il n’avait pas vécu. Son cœur ne pouvait plus battre qu’auprès d’elle ; ses poumons ne respiraient que dans l’air qu’elle avait respiré. Il s’en allait à travers le monde comme un corps inerte lancé dans le vide.

Quelquefois une lueur de raison se glissait dans son esprit. Il se disait : « Je suis un vieux fou. Pourquoi me suis-je avisé de lui parler d’amour ? En vérité l’amour sied bien à un barbon de mon âge ! Qu’elle m’accorde un peu d’amitié, j’aurai tout ce que je mérite. Qu’elle me souffre dans sa maison comme un père, je trouverai dans un coin de mon cœur des sentiments paternels. Elle est malheureuse, elle pleure l’abandon de Villanera ; je la consolerai par de bonnes paroles. » L’espérance de la voir bientôt lui donnait la fièvre. Ses yeux fatigués par l’insomnie le piquaient douloureusement, mais il espérait pleurer lorsqu’il tomberait aux pieds d’Honorine. Dans les grandes douleurs de la vie, nos yeux se désaltèrent avec des