une nuit dans l’attente, et elle comptait aller tout droit à la villa Dandolo. Son impatience était si évidente, que les passagers de première classe la désignaient sous le nom de l’héritière. On racontait tout bas qu’elle allait recueillir à Corfou une succession importante.
La mer fut assez mauvaise pendant deux jours, et tout le monde fut malade, excepté l’héritière de Germaine. Elle n’avait pas le temps de sentir le roulis. Peut-être même ses pieds ne touchaient-ils pas le pont du navire. Elle était si légère, qu’elle planait au lieu de marcher. Lorsqu’elle s’endormit par hasard, elle rêvait qu’elle nageait dans l’air.
Le bateau mouilla dans le port à la nuit close, et il était plus de neuf heures lorsque les bagages et les gens descendirent à terre. La vue de petites lumières éparses qui brillaient çà et là par la ville produisit un effet désagréable sur Mme Chermidy. Lorsqu’on touche au terme d’un voyage, l’espérance, qui nous avait portés jusque-là sur ses ailes, nous manque, et nous tombons rudement sur la réalité. Ce qui nous paraissait le plus certain se voile d’un doute ; nous ne comptons plus sur rien, et nous commençons à nous attendre à tout. Un froid nous saisit, quelle que soit l’ardeur des passions qui nous animent ; nous sommes tentés de mettre toutes choses au pis, nous regrettons d’être venus, et nous voudrions retourner en arrière.