sans se douter qu’il assistait au meurtre de sa fille. Les gens du monde ont une curiosité friande, et les petits mystères du crime sont un régal de haut goût pour les esprits blasés.
« Mon Dieu ! madame, dit le chef de bureau, si c’est une simple définition que vous demandez, je serai couché de bonne heure. Les forçats libérés sont les hommes qui ont fini leur temps au bagne. Permettez-moi de vous baiser la main et de prendre congé.
— Comment ! c’est tout ?
— Absolument. Et notez que je suis l’homme de France qui connaît le mieux les gens dont vous parlez. Je n’en ai pas vu un seul, mais j’ai leurs dossiers dans mes cartons ; je sais leur passé, leur présent, leur profession, leur résidence, et je pourrais vous les nommer tous par leurs noms, prénoms, faux noms et sobriquets.
— C’est ainsi que César (soit dit sans comparaison) connaissait tous les soldats de son armée.
— César, madame, était mieux qu’un grand capitaine, c’était le premier homme de bureau de son siècle.
— Y avait-il des forçats libérés sous la république romaine ?
— Non, madame, et bientôt il n’y en aura plus en France. Nous commençons à suivre l’exemple des Anglais, qui ont remplacé le bagne par la trans-